mercredi 26 août 2009

Les personnages 1


Fils d'une mère médecin, et d'un père dont je n'ai pas connu la profession, mais qui n'avait pas de bonnes relations avec ses parents, jusqu'à parler d'absence d'amour....d'en transmettre le spleen, et qui, d'une manière globale, était silencieux, froid, ayant déprimé toute sa vie . Des parents soixanthuitards, j'appris pour la première fois ce que cela voulait dire. Une vie très occupée, dans une grande maison riche et nonchalante, dans un village de 400 habitants, au coeur de la Bretagne. Tout le monde "connaissait tout le monde".
De leur mariage naquit un garçon, celui que j'ai rencontré par un beau soleil d'été, 33 ans plus tard, à 22000 kms de là.


Fils unique , pendant 7 ans... un garçon dont le rôle était inversé : celui de protéger la relation de ses parents, d'inverser malgré lui les rôles, de prendre la place de l'adulte le plus tôt possible. Un garçon réveur, qui se réfugiait dans l'univers des livres, qui dévorait tout ce qu'il apprenait, qui révait d'Afrique, qui parlait peu, que la rigueur féminine construisait, et que la froideur masculine forgeait. Un garçon avec des grands yeux bleus emplis de gravité et de calme. A qui on ne permettait pas d'être ou de faire comme tous les enfants de son àge....interdiction de se battre, ou d'exprimer dans la simplicité naturelle, l'insouciance.

Un garçon qui , à 7 ans, sans jouer ni partager, vit un petit frère venir au monde sans s'y être attendu . Et qui se demanda s'il allait l'aimer, qu'était-ce donc que ce sort dans l'ambiance ambivalente des caractères tendus, et dominants / dominés de ses parents?

Un frère .... qui détendit l'atmosphère...un frère, qui physiquement était son jumeau ...

A qui les parents laissaient enfin sa part et son droit d'enfance ! Pour qui l'éducation et la communication fut différente...un petit frère qui s'épanouissait , était aimant, drôle, et qui idéalisait son grand frère.

A l'àge de 12 ans, mon ami (je l'appelle ainsi sans l'être encore aujourd'hui.....mais je l'aime, il n'y a que l'ordre des lettres qui change, parenthèse futile)

Mon ami, donc, à 12 ans, s'affirma tant et si fort, qu'il quitta le nid familial. Echappant à l'emprise intrusive et dominatrice de sa mère, échappant au spleen permanent de son père, et poussé par la force de la curiosité de fouler de ses pas , et de ses rèves, le monde.


Le goùt très développé pour les études, il se livra aux jésuites, dans un pensionnat, et malgré la dureté de la vie il y trouva son intérêt profond. La religion n'était pas ce qui l'attirait, il avait atteint un seuil de tolérance, et de rigueur, qui faisait de lui un pré-ado plus matûre que tous les autres. Vivre dans un village de 400 habitants l'exaspérait...il avait décidé, en son for intérieur, depuis longtemps ....de vivre autrement, qu'importent les moyens .

Il tomba amoureux à 13ans, d'une fille d'un pensionnat voisin, que les strictes habitudes de vie des pensionnats ne permettaient pas de vivre, mais seulement de fantasmer. Cela complétait son caractère réveur, et son àme de bâtisseur , dessinée depuis longtemps, se renforça. Elle était plus àgée que lui, de 3 ans ....mais ils avaient la même maturité. Il rentrait tous les week-end chez lui, afin de pouvoir la rejoindre en cachette, pour être libre de l'emprise de sa mère, et pour découvrir et vivre avec sa tendre étudiante son grand amour. Leur histoire dura trois ans . Elle lui enseigna l'amour sans contraintes, dans la pureté des sentiments, et ils n'avaient la possibilité de se rejoindre que les week-end durant tout ce temps. Le reste du temps, il étudiait, religieusement, mais sans modèle, détaché, ne s'en remettant qu'à sa propre conviction et tolérance de la Vie. Une tendance à l'ironie , à l'extérieur, pour les vieux systèmes comme Hérode qui marquèrent l'humanité....et un profond sérieux et respect intérieur, pour la persévérance et la rigueur d'apprendre. Rugueur et Rigueur ne l'ont jamais freiné.... En douceur, il était convaincu d'avoir choisi une route difficile, mais efficace.

Il s'envola, seul, en Afrique, la première fois à 12 ans.....aidé par sa famille, qui était , malgré tout, par nature, ouverts sur l'autonomie , et l'expérience humaine. Il les remercia et les remerciera pour toujours. Il y retourna plusieurs fois au cours de sa vie, jusqu'à 18 ans.



Et puis, sans s'y être attendu ....il s'inscrivit à l'école de médecine. Quelle fierté pour sa mère! Cependant il n'y croyait pas, "il fallait bien faire quelque chose" disait-il...."je vais certainement échouer, car les études sont longues, et très sélectives."



Dix ans se sont écoulés ....il réussit tout ce qu'il entreprit, et toujours dans ce même calme intérieur.....et dans cette étonnante fragilité extérieure .


Une allure efféminée, un corps mince, longiligne, des questions sur l'homosexualité, et puis de multiples avantures avec des femmes. La découverte et la sensibilité pour la musique, l'opéra, l'Art, la peinture, le théàtre, et le renforcement de la littérature l'ont accompagné. Très sociable, de nombreuses rencontres, des pures et authentiques amitiés, des pertes, sur ceux qui échouaient, et des joies ... sur les résultats porteurs de son édifice studieux.

Et pendant ces dix ans ....la rencontre avec sa femme, étudiante en médecine dans la même université que lui, avec qui il s'installa très vite, sans se poser de questions.



Après ces dix années, les évènements se déchainaient, qu'importe, ils étaient tous deux capables, ils en avaient pris le goùt. Ils firent un petit garçon, tous en passant chacun leur thèse , leur doctorat vers la voie des Urgences, et des médecins généralistes.

Tout se joua très vite, il eut l'idée de quitter la France natale.....pour s'installer en Terre Inconnue, la Nouvelle-Calédonie.

Leur fils avait un an.

Il prit des contacts, on lui répondit qu'il fallait prendre un poste à l'Hôpital aux Urgences de Nouméa dans les trois semaines qui suivaient. Une folie qui paniqua sa femme, mais qui l'intéressa, lui, au plus haut point.

Leur vie bascula .... Il partit en tête, sa femme s'occupant de leur fils, suspendue au téléphone, à 22000 kms, entre les cantines de rapatriement.

IL prit ce fameux poste, fut amoureux de l'Île du premier coup, rencontra les pires difficultés d'ordre pratique et matériel, relationnel, tantôt, avec les gens du pays, qui ont leurs habitudes particulières, et une ouverture d'esprit pas toujours affirmée.......mais sa persévérance innée, le dominait. En trois semaines, il trouva (non sans difficulté) maison, voiture, travail, et donna le feu vert à sa femme pour qu'elle le rejoigne.



Ainsi fait .......ils parlaient déjà de concevoir un deuxième enfant .


Leur vie qui succéda à cette période changea complètement .....

J'essuie quelques larmes en y pensant encore..........
C'est de l'empathie, certainement, je ne sais pas exactement ce que j'éprouve, je sais juste que cet homme m'a emportée de toute notre àme.



1 commentaire:

Une petite trace attire d'Elle ....